Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/275

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seulement quelques réflexions sur le fréquent usage que Bacon fait des esprits (spiritus) dans son explication de la nature.

Ici Bacon s’appuie sur la tradition, mais il y ajoute une argumentation originale qui fait peu d’honneur au « restaurateur des sciences ». Les « génies » de tout genre jouent un grand rôle dans la cosmologie et dans la physiologie des néoplatoniciens et des scolastiques ; il en est de même chez les Arabes : les génies des astres gouvernent le monde par la voie mystique des sympathies et des antipathies de concert avec les génies qui résident dans les choses terrestres. Mais où la théorie des « esprits » revêt une forme scientifique, c’est surtout dans la psychologie et dans la physiologie, et l’on peut en suivre l’influence jusqu’à nos jours (par exemple dans la doctrine des « esprits vitaux » endormis, réveillés ou surexcités). La théorie de Galien sur l’esprit psychique et animal (spiritus), unie à la théorie des quatre humeurs et des tempéraments se fondit de bonne heure, au moyen âge, avec la psychologie d’Aristote. D’après cette théorie que Melanchthon reproduit encore avec tous ses détails dans sa psychologie, les quatre humeurs fondamentales sont élaborées d’abord dans l’estomac, puis dans le foie (deuxième processus organique ; l’humeur la plus noble, le sang, par une troisième élaboration, qui a lieu dans le cœur, devient l’esprit vital (spiritus vitalis) ; enfin, raffinée dans les cavités cérébrales (quatrième et dernier processus), elle devient l’esprit animal (spiritus animalis).

Si cette théorie a jeté des racines si profondes, c’est probablement qu’elle offrait aux intelligences superficielles un moyen facile de relier le sensible au suprasensible, et que ce rapprochement s’imposait aussi bien à la pensée des néoplatoniciens qu’à celle des théologiens du christianisme. Ainsi par exemple, chez Melanchthon, l’esprit matériel sort de la matière grossière, se raffine peu à peu et paraît produire directement des effets qui doivent être, au fond, pure-