Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/289

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sophie à Aix. Dès cette époque, il écrivit un ouvrage qui indique nettement ses tendances : Exercitationes paradoxicæ adversus aristoteleos, ouvrage plein de sève juvénile et qui contient une attaque des plus vives et des plus arrogantes contre la philosophie d’Aristote. Cet écrit fut imprimé partiellement, d’abord en 1624, puis en 1645. Gassendi en brûla cinq livres, d’après les conseils de ses amis. Le savant conseiller au Parlement, Peirese fit nommer Gassendi bientôt après chanoine et ensuite prieur à Digne.

Ces carrières qu’il traversa rapidement l’obligèrent de s’adonner aux études les plus diverses. Comme professeur de rhétorique, il dut enseigner la philologie et il est probable que sa prédilection pour Épicure naquit alors à la lecture de Lucrèce qui, depuis longtemps, était fort apprécié par les philologues. En 1628, Gassendi se trouvant dans les Pays-Bas, Eryceus Puteanus (Dupuy Henri), philologue de Louvain, lui fit cadeau de l’empreinte d’un camée auquel il attachait un grand prix, et qui représentait Épicure (5).

Les Exercitationes paradoxicæ devaient être réellement une œuvre d’une audace extraordinaire et d’une extrême sagacité. Aussi avons-nous tout lieu de croire que cet écrit ne resta pas sans influence sur les savants français, car les amis qui conseillèrent de brûler les cinq livres durent conserver le souvenir de leur contenu ! On conçoit du reste que Gassendi ne consulta que des hommes dont les idées se rapprochaient des siennes, des hommes capables de comprendre, d’apprécier son ouvrage et d’y démêler autre chose que les dangers auxquels il pouvait l’exposer. Plus d’un incendie semblable peut s’être allumé et propagé secrètement à cette époque, et, après avoir couvé sous la cendre, s’être déclaré soudainement sur un autre point. Par bonheur, il nous est resté un sommaire de livres perdus. Nous y voyons, que dans le quatrième livre, il exposait le système de Copernic ainsi que la théorie de l’immensité du monde, empruntée à Lucrèce par Giordano Bruno. Comme ce même livre renfermait une