Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/294

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l’ancien système du monde, quand on voit comment Gassendi eut l’habileté, sans l’attaquer ouvertement, d’en miner les fondements. Une assertion favorite des adversaires de Copernic était en effet : si la terre se ment, il est impossible qu’un projectile lancé en l’air dans le sens vertical retombe sur le canon d’où il est sorti. Gassendi raconte (10) qu’il fit faire une expérience à bord d’un navire allant à grande vitesse : une pierre, lancée en l’air perpendiculairement, retomba sur la partie même du pont d’où elle avait été projetée. La même pierre, qu’on laissa tomber du haut d’un mât, arriva verticalement au pied de ce même mat. Ces expériences, qui nous paraissent si naturelles, avaient une importance décisive alors que Galilée venait seulement de découvrir et de publier les lois du mouvement ; elles détruisirent sans retour l’argument principal des adversaires de Copernic.

Gassendi considère l’univers comme un tout coordonné ; mais il se demande en quoi consiste cet ordre ; et d’abord si l’univers a une âme ou non. Si l’on entend par âme du monde Dieu et si l’on se borne à affirmer que Dieu, par son existence et sa présence, conserve, gouverne et, pour ainsi dire, anime tout, il n’y a, en quelque sorte, rien à objecter. Tous les philosophes aussi reconnaissent que la chaleur est répandue dans le monde entier ; cette chaleur pourrait également être appelée l’âme du monde. Mais c’est contredire les phénomènes réels que d’accorder au monde une âme qui végète, sente ou pense. Car le monde ne donne pas la vie à un autre monde comme font les animaux et les plantes ; il ne grandit ni ne mange ni ne boit pour soutenir son existence ; encore moins possède-t-il la vue, l’ouïe et les autres organes des êtres animés.

Gassendi regarde le temps et l’espace comme indépendants et existants par eux-mêmes, comme n’étant ni substances ni accidents ; là où cessent toutes les choses corporelles, continue à s’étendre l’espace infini et, avant la création