Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/304

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logiques. — Or argumenter, c’est calculer ; et tout calcul peut se ramener à une addition ou à une soustraction (16).

Si cette définition convertit toute la philosophie en science de la nature et élimine de prime abord tout ce qui est transcendant, nous trouvons la tendance matérialiste encore plus accusée dans l’énoncé du but de la philosophie. Ce but est de prévoir les effets et de les utiliser dans le cours de la vie. — On sait qu’en Angleterre le mot philosophy, depuis la définition donnée par Hobbes, ne répond plus du tout au mot allemand Philosophie et que le véritable philosophe de la nature n’est autre qu’un physicien faisant des expériences. Hobbes apparaît ici comme le successeur logique de Bacon, et de même que la philosophie de ces deux hommes a certainement beaucoup contribué au développement matériel de l’Angleterre, de même elle fut favorisée par l’esprit original, alors presque entièrement développé, d’un peuple judicieux, pratique, avide de puissance et de richesses.

Malgré cet accord entre l’esprit de Hobbes et le génie anglais, il ne faut pas non plus méconnaître l’influence de Descartes sur la manière dont ce peuple comprenait le mot philosophie ; mais ici nous ne parlons que du Descartes, que nous a fait connaître le Discours sur la méthode, et nous ne nous préoccupons nullement du jugement traditionnel porté sur le cartésianisme (voir note 66 de la 2e partie). Dans cette première œuvre, où Descartes attribue une bien plus grande importance à ses conceptions physiques qu’à ses théories métaphysiques, il revendique pour les premières l’honneur d’avoir ouvert une voie nouvelle « pour passer de la philosophie théorique des écoles à une philosophie pratique, qui nous fait connaître la force et les effets du feu, de l’eau, de l’air, des astres, des cieux et de tous les corps qui nous entourent, aussi bien que les travaux et les procédés de nos artisans, et qui pourrait nous mettre à même d’utiliser ces connaissances, comme les œuvres des artisans, pour tous nos besoins possibles, et de nous rendre ainsi les maîtres et