Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/310

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vérité. La monarchie héréditaire n’a été imaginée que dans un but d’utilité ; mais, partout où elle existe, la monarchie doit être absolue, simple conséquence de la nécessité selon laquelle toute direction de l’État, même quand elle est confiée à un comité ou à une assemblée, doit être absolue.

L’humanité, qui est pour lui un ramassis de canaille égoïste, n’a pas, de sa nature, le moindre penchant pour le respect d’une constitution quelconque ou pour l’observation des lois. La force seule peut l’y contraindre. Ainsi, pour que la masse soit domptée et que la guerre de tous contre tous soit évitée comme le plus grand des maux, l’égoïsme des gouvernements doit pouvoir faire prédominer son autorité absolue, afin que les égoïsmes individuels, infiniment plus déréglés et plus nuisibles, restent sans cesse terrassés et comprimés. Il est d’ailleurs impossible de limiter l’autorité du gouvernement. Quand il viole la constitution, il faudrait que les citoyens, pour opposer une résistance victorieuse, eussent confiance les uns dans les autres ; or, voilà précisément ce que ne font pas ces brutes égoïstes ; et chaque individu à part est plus faible que le gouvernement. Pourquoi donc le gouvernement se gênerait-il ?

Toute révolution qui triomphe est légitime dès qu’elle a réussi à établir un nouveau gouvernement quelconque, comme cela résulte naturellement de ce système ; la maxime « la force prime le droit » est inutile pour tranquilliser les tyrans, la force et le droit étant identiques. Hobbes n’aime pas à s’arrêter à ces conséquences de son système, et il dépeint avec prédilection les avantages d’un pouvoir absolu héréditaire ; mais cela ne modifie pas la théorie. Le nom de « Léviathan » n’est que trop significatif pour ce monstre d’État, qui, sans être guidé par des considérations supérieures, dispose à son gré, comme un dieu terrestre, des lois et des arrêts, des droits et des biens, fixe arbitrairement les idées de vertu et de crime (23) et accorde à tous ceux