Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/320

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

influence littéraire et politique on Europe s’unissaient sous Louis XIV pour imprimer à la nation, comme à la cour, un élan, une dignité, qui éloignait le pays de toute tendance matérialiste vers les choses utiles. Cependant les progrès de la centralisation, l’oppression et l’exploitation du peuple faisaient fermenter les esprits et préparaient la Révolution. Le matérialisme prit racine en France comme en Angleterre ; mais, en France, on lui emprunta seulement ses éléments négatifs, tandis qu’en Angleterre, on se mit à faire de ses principes une application de plus en plus étendue à l’économie de la vie nationale tout entière. On peut donc comparer le matérialisme de la France à celui de la Rome des empereurs ; on l’adoptait pour le corrompre et pour s’en laisser corrompre. En Angleterre, il en était tout autrement. Là aussi régnait parmi les grands le ton de la frivolité. On pouvait être croyant ou incrédule, parce qu’on n’avait aucun principe de direction et l’on était l’un ou l’autre, suivant que les passions y trouvaient leur profit. Toutefois, Charles II avait puisé quelque chose de meilleur que la doctrine de son omnipotence personnelle dans les leçons de Hobbes. Ce monarque était un physicien zélé et possédait même un laboratoire. Toute l’aristocratie suivit son exemple. Buckingham lui-même daigna s’occuper de chimie ; or la chimie n’était pas encore débarrassée de l’attrait mystérieux de l’alchimie, la recherche de la pierre philosophale. Des lords, des prélats, des jurisconsultes consacraient leurs loisirs à des expériences d’hydrostatique. On confectionnait des baromètres et des instruments d’optique pour les usages les plus variés ; les dames élégantes de l’aristocratie venaient en équipage dans les laboratoires, pour s’y faire montrer les merveilles de l’attraction magnétique et électrique. À une curiosité frivole et à un dilettantisme vaniteux se joignirent les études sérieuses et profondes des vrais savants et l’Angleterre entra dans la voie du progrès en ce qui concerne les sciences de la nature, réalisant ainsi les pré-