Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/331

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appartient donc à la série des esprits en quelque sorte organisés pour les mathématiques, esprits si nombreux au xviie siècle, comme si la race européenne se fût développée dans ce sens par une impulsion générale. D’ailleurs un examen approfondi des résultats obtenus par Newton montre qu’ils furent presque toujours le fruit d’un travail mathématique, ingénieux et persévérant. Dès l’année 1664, Newton imagina son calcul des fluxions, qu’il ne publia que vingt ans plus tard, lorsque Leibnitz menaça de lui enlever la gloire de cette invention. Il porta presque aussi longtemps en lui-même l’idée de la gravitation ; mais tandis que ses fluxions avaient tout de suite brillamment prouvé leur efficacité dans ses calculs, il fallait encore pour démontrer qu’une même loi régit la chute des corps terrestres et l’attraction des corps célestes une formule mathématique, dont, pour le moment, les prémisses faisaient défaut. La placidité, avec laquelle Newton garda si longtemps en lui-même ses deux grandes découvertes, l’une pour l’utiliser en silence, l’autre pour la laisser mûrir, mérite notre admiration, et rappelle d’une façon étonnante la patience et la persévérance non moins grandes de son illustre précurseur Copernic. Un autre détail contribue à nous faire connaître le grand caractère de Newton : il ne publia pas isolément sa découverte de la corrélation entre la loi de la chute des corps terrestres et celle des orbites elliptiques des corps célestes, quand il se vit sûr de la vérité et que ses calculs furent complets ; il l’inséra simplement dans l’œuvre grandiose de ses Principes, où il élucidait d’une manière générale toutes les questions mathématiques et physiques relatives à la gravitation ; aussi pouvait-il à bon droit donner à cette publication le titre ambitieux de Principes mathématiques de philosophie naturelle.

Un dernier fait relatif au même philosophe eut une importance encore plus considérable. Nous avons déjà dit que Newton était loin de voir dans l’attraction cette « force essentielle à toute matière », dont on le glorifie aujourd’hui d’avoir fait