Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/337

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jourd’hui (65) le principe de toute physique : l’évidence sensible. Newton lui-même partageait, comme nous l’avons vu, cette répugnance ; mais il séparait résolument la construction mathématique, qu’il pouvait donner, de la construction physique, qu’il ne trouvait pas. De la sorte il devint, malgré lui, le fondateur d’une nouvelle conception de l’univers, qui contenait dans ses premiers éléments une contradiction flagrante. En disant « hypotheses non fingo », il renversait l’antique principe du matérialisme théorique, au moment même ou ce principe paraissait devoir triompher de la manière la plus éclatante  (66).

Nous avons déjà dit qu’avant tout, le véritable mérite de Newton se trouve dans sa démonstration mathématique, qui est une œuvre complète. La pensée qu’on peut expliquer les lois de Kepler par une force centrale, agissant en raison inverse du carré des distances, avait surgi simultanément dans l’esprit de plusieurs mathématiciens anglais (67). Newton fut non-seulement le premier qui atteignit le but, mais encore il trouva pour le problème une solution si grandiose, si générale et si positive, il répandit, pour ainsi dire en passant, une telle quantité de rayons lumineux sur toutes les parties de la mécanique et de la physique que ses Principes formeraient un livre admirable, alors même que la thèse fondamentale de sa nouvelle théorie n’eût pas été confirmée d’une manière aussi éclatante qu’elle l’a été réellement. Son exemple paraît avoir tellement ébloui les mathématiciens et les physiciens anglais que, pendant longtemps, privés de toute originalité, ils ont dû laisser aux Allemands et aux Français la direction des sciences mécaniques et physiques (68).

Le triomphe des mathématiques pures fit naître, d’une façon étrange, une physique nouvelle. Il faut remarquer qu’un lien purement mathématique entre deux phénomènes, tels que la chute des corps et le cours de la lune, ne pouvait conduire à cette grande généralisation que grâce à l’hypo-