Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/343

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taines idées simples, terme général chez Locke, et répondant en quelque sorte à ce que les herbartiens appellent « représentations » (Vorstellungen). Ces idées simples sont les couleurs, les sons, la résistance qu’éprouve le tact, les représentations d’espace et de mouvement. Quand les sens ont fourni un certain nombre de pareilles idées simples, alors se produit la combinaison des pensées homogènes qui donne, à son tour, naissance aux idées abstraites. À la sensation se joint la perception intérieure ou réflexion, et ce sont là les « seules fenêtres » par lesquelles la lumière penètre dans l’esprit obscur et encore inculte. Les idées de substances, de propriétés variables et de relations sont des idées composées. Au fond, nous ne connaissons des substances que leurs attributs, lesquels résultent des simples impressions produites sur les sens par les sons, les couleurs, etc. C’est seulement parce que ces attributs se montrent souvent dans un certain rapport, que nous parvenons à former en nous l’idée d’une substance qui sert de base à ces phénomènes variables. Même les sentiments et les affections naissent de la répétition et de la combinaison variée des sensations simples, communiquées par les sens.

Alors seulement les vieilles propositions aristotéliques, ou soi-disant aristotéliques, d’après lesquelles l’âme commence par être « une table rase » (tabula rasa), et d’après lesquelles il ne peut y avoir dans l’esprit rien qui n’ait d’abord été dans les sens, obtinrent l’importance qu’on leur reconnaît et, sous ce rapport, on peut rattacher ces propositions au nom de Locke (76).

L’esprit humain, qui se comporte comme un récipient relativement aux impressions des sens et à la formation des idées composées, fixe ensuite par des mots les idées abstraites qu’il vient d’acquérir, et il rattache arbitrairement ces mots à des pensées ; mais c’est alors qu’il entre dans une voie où cesse la certitude de l’expérience naturelle. Plus l’homme s’éloigne du sensible, plus il est sujet à l’erreur, qui se pro-