Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/360

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il est vrai qu’elle fut introduite par Voltaire, un des premiers qui travaillèrent à concilier l’esprit anglais avec l’esprit français, et sans doute le plus influent de tous.

L’immense activité de Voltaire est aujourd’hui avec raison mieux appréciée et plus favorablement jugée qu’on ne le faisait dans la première moitié de notre siècle. Anglais et Allemands s’efforcent à l’envi d’assigner à ce grand Français, sans pallier ses défauts, la place qui lui est due dans l’histoire de notre vie intellectuelle (16). La cause du dédain momentané, qui avait frappé cet homme, se trouve, selon du Bois-Reymond, « quelque paradoxale que puisse sembler cette assertion, dans le fait que nous sommes tous plus ou moins voltairiens, voltairiens sans le savoir et sans nous donner ce titre. L’esprit de Voltaire a prévalu avec une puissance telle que les idées généreuses, pour lesquelles il a combattu pendant sa longue existence avec un zèle infatigable, avec un dévouement passionné, avec toutes les armes intellectuelles, principalement avec sa raillerie redoutable : la tolérance, la liberté de la pensée, la dignité humaine, l’équité, nous sont devenues une condition indispensable de vitalité comme l’air, auquel nous ne pensons que lorsqu’il vient à nous manquer ; en un mot, ce qui jadis, sous la plume de Voltaire, semblait une pensée des plus hardies, est devenu aujourd’hui un lieu commun (17). »

Le mérite de Voltaire, d’avoir fait adopter sur le continent le système du monde, de Newton, est aussi resté longtemps trop peu apprécié. On n’a tenu compte ni de la difficulté qu’il y avait à comprendre Newton, ni du courage qu’il fallait pour se déclarer en faveur du savant anglais, ni des obstacles à surmonter. Citons un seul fait : les Éléments de philosophie de Newton n’obtinrent pas l’imprimatur en France ; force fut de recourir encore pour cette publication à la liberté dont jouissaient les Pays-Bas ! On aurait tort de croire d’ailleurs que Voltaire se servit du système de Newton pour attaquer le christianisme, et qu’il assaisonna cet ouvrage