Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/379

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suivant Leibnitz, elle avait non-seulement éclipsé le ramisme (41), mais encore fortement ébréché la doctrine péripatéticienne ; toutefois il est grandement à présumer que Leibnitz a exagéré. Du moins les traces de l’atomistique dans l’Epitome naturalis scientiæ de Sennert (Wittenberg, 1618) sont tellement insignifiantes que la base toute scholastique de ses théories est moins troublée par ses hérésies atomistiques que par les éléments qu’il a empruntés à Paracelse (42).

Tandis qu’en France, grâce à Montaigne, la Mothe le Vayer et Bayle, le scepticisme, en Angleterre, grâce à Bacon, Hobbes et Locke, le matérialisme et le sensualisme étaient en quelque sorte élevés au rang de philosophies nationales, l’Allemagne restait le rempart traditionnel de la scholastique pédante. La rudesse des nobles allemands, qu’Érasme caractérisait plaisamment par le surnom de « centaures », ne permit pas à des systèmes de se développer sur une base aristocratique comme en Angleterre, où la philosophie jouait un si grand rôle. L’élément révolutionnaire, qui fermentait en France et s’y accusait de plus en plus, ne faisait pas complètement défaut en Allemagne ; mais la prédominance des idées religieuses égara notre nation dans un labyrinthe de voies, pour ainsi dire, souterraines et sans issue ; et le schisme, qui séparait les catholiques et les protestants, censurait les meilleures forces de la nation dans des luttes incessantes et stériles. Dans les universités, les chaires et les bancs étaient occupés par une génération de plus en plus grossière. La réaction de Melanchthon en faveur d’un aristotélisme épuré amena ses successeurs à une intolérance, qui rappelait les sombres périodes du moyen âge. La philosophie de Descartes ne trouva guère d’asile sûr que dans la petite ville de Duisbourg, où l’on respirait quelque peu la liberté d’esprit néerlandaise, sous la protection éclairée des princes de la maison de Prusse. Ce système équivoque de protection mêlé d’hostilité, dont nous avons plus d’une