Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/42

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sait sur le solide fondement de l’expérience et de la démonstration, se dissout sous l’effort de la critique, et ne nous apparaît plus que comme un mirage trompeur, comme une vaine apparence. En un mot, on ne voit pas clairement où est la vérité la plus haute, sinon la vérité définitive. Réside-t-elle dans l’idéal ou dans la réalité sensible ? Ou encore, tous deux ne seraient-ils pas d’égales illusions, avec cette différence toutefois que l’illusion sensible serait, après tout, la commune illusion, tandis que l’illusion métaphysique est mobile et capricieuse comme les individus ? La science aurait alors l’avantage sur sa rivale.

Il nous est interdit de nous arrêter à cette pensée. Nous ne pouvons oublier que les catégories, ces règles suprêmes de la connaissance scientifique, nous sont présentées par Lange comme des données de l’expérience psychologique, comme des principes, dont le nombre est incertain, dont l’origine est empirique. La complaisance avec laquelle Lange revient, soit à propos de Protagoras, soit à propos de Hobbes, sur la thèse du relativisme de la connaissance, et le prix qu’il attache à la théorie de la probabilité, semblent indiquer que les principes comme les résultats de la science ne reposent pour lui que sur la vraisemblance.

Mais il n’a pas plus le droit de parler de vraisemblance que de certitude. Car où est le principe qui servira de mesure à la vraisemblance ? Est-ce l’expérience, mobile et bornée comme l’individu, comme l’humanité ?

Ainsi, on le voit, nous sommes enfermés par Lange dans un double cercle d’illusions, le premier plus étroit, plus inflexible, le second plus vaste, mais aussi plus mobile. Illusions scientifiques, illusions métaphysiques nous dérobent