Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/423

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tuelles ; encore moins les place-t-il, quant à leur valeur, pour et chez l’individu, plus bas que le plaisir sensuel, mais il se contente de les subordonner à l’essence générale du dernier ; il les considère comme un cas spécial qui, au point de vue général et des principes, ne peut avoir la même importance que le principe fondamental lui-même, dont la valeur, relativement plus élevée, n’est au reste nulle part contestée. Comparons il cette opinion une sentence de Kant : « On peut donc, à ce qu’il me semble, accorder facilement à Épicure que tous les plaisirs, même quand ils sont amenés par des pensées qui éveillent des idées esthétiques, sont des sensations animales, c’est-à-dire corporelles, sans diminuer par là le moins du monde le sentiment intellectuel du respect pour les idées morales, lequel n’est pas un plaisir, mais un respect de nous-mêmes (de l’humanité représentée en nous), respect qui nous élève au-dessus du besoin du plaisir, sans pour cela diminuer en rien le sentiment du goût, lequel est inférieur à celui de l’estime pour les idées morales (76). » Ici, nous avons coôe à côte la justitication et la critique. La morale de de la Mettrie est condamnable, parce qu’elle est la théorie du plaisir, non parce qu’elle ramène au plaisir sensuel les jouissances mêmes que nous devons aux idées.

La Mettrie examine ensuite de plus près la relation qui existe entre le bonheur et l’éducation, et il trouve que la raison en soi n’est pas l’ennemie du bonheur, mais elle le devient par les préjugés qui asservissent la pensée. Délivrée de ces préjugés, appuyée sur expérience et l’observation, la raison devient, au contraire, un soutien pour notre bonheur. Elle est un bon guide quand elle se laisse elle-même guider par la nature. L’homme instruit jouit d’un bonheur plus relevé que l’ignorant (77). Telle est la première cause de l’importance attribuée à l’éducation. Il est vrai que l’organisation naturelle est la source première et la plus féconde de notre bonheur ; mais l’éducation est la seconde, non moins importante. Grâce à ces avantages, elle