Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/456

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moderne, qui nous a portés de plus en plus, pour adoucir les plus terribles souffrances de l’humanité, à traiter les aliénés avec bienveillance et à voir des fous dans un grand nombre de criminels. — « Le dogme de la spiritualité de l’âme a fait de la morale une science conjecturale, qui ne nous fait nullement connaître les vrais mobiles que l’on doit employer pour agir sur les hommes. Aidés de l’expérience, si nous connaissions les éléments qui font la base du tempérament d’un homme, ou du plus grand nombre des individus dont un peuple est composé, nous saurions ce qui leur convient, les loix qui leur sont nécessaires, les institutions qui leur sont utiles. En un mot, la morale et la politique pourroient retirer du matérialisme, des avantages que le dogme de la spiritualité ne leur fournira jamais et auxquels il les empêche même de songer (91). » Cette pensée de d’Holbach a encore aujourd’hui son avenir, seulement il est probable qu’au début la statistique morale fera plus pour la physique des mœurs que la physiologie.

D’Holbach fait dériver toutes les facultés morales et intellectuelles de notre sensibilité ; c’est cette dernière qui reçoit les impressions du dehors. « Une âme sensible n’est qu’un cerveau humain organisé de telle sorte qu’il reçoit avec facilité les mouvements qui lui sont communiqués. Ainsi nous appelons impressionnable celui que touche jusqu’aux larmes la vue d’un malheureux, le récit d’un affreux accident ou la simple pensée d’une scène affligeante. » Ici, d’Holbach essayait de fonder les principes d’une philosophie morale matérialiste, qui nous fait encore défaut aujourd’hui et dont nous devons désirer un exposé complet, alors même que nous n’aurions pas l’intention de nous en tenir au point de vue du matérialisme. Il s’agit de trouver le principe qui nous fait dépasser l’égoïsme. Assurément la pitié ne suffit pas ; mais si l’on y ajoute la joie sympathique, si l’on élargit assez son horizon pour voir toute la part naturelle, que l’homme d’une organisation supérieure prend aux destinées