Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/473

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Les monades et l’harmonie préétablie nous révèlent la véritable essence des choses aussi peu que le font les atomes ou les lois de la nature. Mais, comme le matérialisme, elles donnent une conception du monde, claire et systématique, qui ne renferme pas plus de contradictions internes que le système matérialiste. Ce qui, néanmoins, avant tout fit accueillir favorablement le système de Leibnitz, ce fut la souplesse de ses principes qui se prêtent aux sens les plus divers, sans compter que les conséquences radicales en restent bien mieux cachées que celles du matérialisme. Sous ce rapport, rien ne vaut une abstraction bien faite. Le pédant, qui se révolte à la seule pensée que les ancêtres du genre humain pourraient bien avoir ressemblé à nos singes actuels, avale sans hésitation la théorie des monades, qui déclare l’âme humaine essentiellement semblable à celle de tous les autres êtres de l’univers, y compris la plus vile molécule de poussière. Tous ces êtres reflètent l’univers, constituent par eux-mêmes mêmes de petits dieux et portent en eux les mêmes idées, seulement coordonnées et développées différemment. On ne s’aperçoit pas immédiatement que les monades de singes font partie de la série, qu’elles aussi sont immortelles comme les monades d’hommes, et que, grâce à un développement ultérieur, elles pourront parvenir à posséder une très-belle collection d’idées. Mais quand le matérialiste pose d’une main maladroite le singe à côté de l’homme, compare celui-là à un sourd-muet et prétend l’élever et le développer comme le premier chrétien venu, on entend alors la bête grincer des dents, on la voit faire d’affreuses grimaces et des gestes lascifs ; on sent avec un dégoût extrême la bassesse et la laideur repoussante de cet être, tant au physique qu’au moral ; bref les arguments les plus concluants, mais en même temps les moins solides, affluent pour démontrer clairement et palpablement à chacun combien une pareille théorie est absurde, inconcevable et répugnante pour la raison.

L’abstraction opère dans ce cas comme dans tous les