Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/582

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ensuite : « Il revint des atomes aux formes substantielles d’Aristote pour faire avec les unes et les autres ses monades » ; et ibid., p. 107 : « Ainsi, à la place des atomes matériels, viennent des individualités intellectuelles, et, à la place des points physiques, des « points métaphysiques ». — Leibnitz lui-même nomme aussi ses monades des « atomes formels ». Voir Kuno Fischer, Gesch. d. n. Phil., 2e éd., II, p. 319 et suiv.

93 [page 413]. Suivant l’opinion générale, la théologie de Leibnitz était inconciliable avec les principes philosophiques de son système ; telle n’était donc pas l’opinion du seul Erdmann[1] ; Kuno Fischer le constate formellement[2], mais tout en déclarant que cette opinion était fort répandue, Kuno Fischer la combat énergiquement. Pour démontrer le contraire, il s’appuie sur la nécessité d’une monade suprême qui est alors nommée « absolue » ou « Dieu ». On peut accorder que le système présuppose une monade suprême, mais nou que celle-ci, si tant est qu’on l’imagine d’après les principes de la théorie des monades, puisse prendre la place d’un dieu qui conserve et gouverne le monde. Les monades se développent, d’après les forces qui sont en elles, avec une rigoureuse nécessité. Aucune d’elles ne peut, ni dans le sens de la causalité ordinaire ni dans le sens de « l’harmonie préétablie », être la cause productrice des autres. L’harmonie préétablie elle-même ne produit non plus les monades, mais elle en détermine seulement l’état, d’une manière absolument semblable à celle qui, dans le système du matérialisme, fait déterminer par les lois générales du mouvement l’état des atomes dans l’espace. Or il est aisé de voir que c’est une simple conséquence logique du déterminisme de Leibnitz d’interrompre ici la série des causes, au lieu de poser encore une « base suffisante » aux monades et à l’harmonie préétablie, laquelle base n’aurait autre chose à faire que d’être précisément la base suffisante elle-même. Du moins Newton donnait à son dieu quelque chose à pousser et à ravauder ; mais une base, qui n’a d’autre but que d’être la base du fondement dernier du monde, est aussi inutile que la tortue qui supporte la terre ; aussi se demande-t-on immédiatement quelle est donc la base suffisante de ce dieu. Kuno Fischer tâche de se soustraire à cette conséquence inévitable en faisant dériver non l’état des monades de l’harmonie préétablie, mais celle-ci des monades. « Elle provient nécessairement des monades, parce qu’elle s’y trouve primitivement[3]. » Ce n’est qu’une simple interversion de la thèse identique : l’harmonie préétablie est

  1. Voir aussi Schilling, Beitr. zur Gesch. d. Mat., p. 23.
  2. Gesell. d. neueren Phil., 2e éd., ll, p. 627 et suiv.
  3. Ibid., p.629.