Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/63

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vaient, comme les recherches mathématiques, donner des résultats durables ; toutefois, il fallut que des essais innombrables vinssent par leur stérilité ébranler la confiance avec laquelle on se lançait sur cet océan, avant que la critique philosophique pût réussir à démontrer pourquoi une méthode identique, du moins en apparence, aboutissait d’un côté à un progrès positif et de l’autre à des tâtonnements aveugles (7). Même dans ces derniers siècles, rien n’a contribué à égarer dans de nouvelles aventures métaphysiques la philosophie, récemment émancipée du joug de la scholastique, autant que l’ivresse produite par les progrès étonnants des mathématiques au XVIIe siècle ! Ici encore, avouons-le, l’erreur favorisa le progrès de la culture ; car non-seulement les systèmes de Descartes, de Spinoza et de Leibnitz poussèrent dans tous les sens à penser et à étudier, mais encore ils éliminèrent définitivement la scholastique, depuis longtemps condamnée par la critique, frayant ainsi la voie à une conception plus saine de l’univers.

En Grèce, il s’agissait avant tout de dissiper les nuages du merveilleux, de dégager l’étude de l’univers du chaos mythologique des idées religieuses et poétiques, et de pénétrer sur le terrain de la raison et de l’observation sévère. Or cela ne pouvait s’effectuer tout d’abord qu’à l’aide de la méthode matérialiste ; car les objets extérieurs sont plus près de notre conscience naturelle que le moi ; et le moi lui-même, dans la pensée des peuples primitifs, réside plutôt dans le corps que dans l’essence spirituelle, ombre d’âme à demi rêvée, à demi imaginée, dont ils font la compagne du corps (8).

La proposition de Voltaire, qui pourtant était en général un adversaire ardent du matérialisme : « Je suis corps et je pense », aurait sans doute obtenu l’approbation des anciens philosophes grecs. Lorsqu’on commença à admirer la finalité de l’univers et de ses parties, notamment des organismes, ce fut un disciple de la philosophie naturelle ionienne, Diogène