Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/66

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lence remarquable et, sans aucun doute, son fils, si bien doué par la nature, reçut une éducation solide, quoique la tradition, d’après laquelle il aurait été l’élève des mages de la Perse, n’ait aucun fondement historique (10).

On raconte qu’il dépensa tout son patrimoine, dans les grands voyages que lui fit entreprendre son désir de s’instruire. Revenu pauvre, il fut secouru par son frère ; mais bientôt il acquit la réputation d’un sage inspiré par les dieux, grâce au succès de ses prédictions météorologiques. Enfin, il écrivit son grand ouvrage, le Diakosmos, qu’il lut publiquement à ses concitoyens et qui lui valut de leur part le don de cent, suivant d’autres, de cinq cents talents, ainsi que l’érection de plusieurs statues. La date de sa mort est inconnue ; mais d’après l’opinion générale, il atteignit un âge très-avancé et expira avec calme et sans douleur.

Quantité de récits et d’anecdotes se rattachent à son nom ; mais la plupart ne sont pas de nature à le caractériser exactement. Les portraits les moins fidèles sont ceux qui le représentent comme le philosophe rieur, par opposition à Héraclite, le philosophe larmoyant ; ces portraits ne nous montrent en lui qu’un joyeux railleur, qui ridiculise les folies humaines et se fait l’avocat d’une philosophie superficielle et constamment optimiste. Tout aussi inexacte est l’opinion qui ne nous découvre en lui qu’un simple compilateur ou, pis encore, qu’un adepte de doctrines secrètes et mystiques. Des renseignements contradictoires relatifs à sa personne, il ressort très nettement que sa vie entière fut consacrée à des recherches scientifiques, rationnelles et étendues. Le compilateur qui recueillit les rares fragments qui nous sont restés de ses nombreux écrits, le place, sous le rapport de l’intelligence et du savoir, au-dessus de tous les philosophes antérieurs à Aristote, et conjecture même que le stagyrite est redevable, en grande partie, de la vaste science que l’on admire en lui, à l’étude des œuvres de Démocrite (11).