Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/111

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Strauss. Grâce à ce livre, l’Allemagne prit la tête du mouvement commencé en Angleterre et continué en France pour l’application de la critique indépendante aux traditions religieuses. D’ailleurs la critique historique et philologique était devenue l’honneur de la science allemande. Ici les arguments et les répliques étaient plus faciles à saisir que sur le terrain de la spéculation ; et ce livre devint ainsi une excitation directe adressée à quiconque se croyait assez instruit pour le juger. Ce qui restait encore des opinions intermédiaires, pénétrées d’idéal, mais obscures, de l’époque du romantisme et du rationalisme antérieurs, vint se briser contre les questions critiques, qui furent dès lors maîtresses du champ de bataille. La division des esprits devint plus tranchée.

De 1840 à 1850, l’élan des esprits vers les réformes devint agressif. On ne se contentait plus de prononcer une parole libre, d’émettre une pensée audacieuse ; on déclarait absolument insupportable l’ordre de choses existant. Depuis que Ruge avait donné le signal dans les Annales de Halle, les tendances vers la liberté politique se joignirent aux tendances scientifiques et socialistes de diverses nuances pour masser les forces de l’opposition en colonne d’attaque. Le clergé fut particulièrement en butte aux hostilités ; aussi regarda-t-on généralement les idées matérialistes comme apportant un concours précieux, quoique le hegelianisme et la critique rationaliste combattissent à l’avant-garde. En religion, on s’indignait surtout contre les chaînes dont la manie toujours croissante de réhabiliter le passé menaçait de charger la science ; en politique, on était surtout révolté contre les essais tentés par un romantisme nébuleux pour raviver les idées des âges précédents. On aurait pu croire qu’un élan scientifique, en lutte avec les entraves imposées par le pouvoir, était le secret de la tension qui deyait aboutir à une crise prochaine. Comme toujours, le mouvement devint plus idéaliste à mesure qu’il faisait des progrès. On