Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/114

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l’enchaînement des phénomènes et sur les contradictions qui surgissent entre l’expérience et la tradition.

L’Allemagne ne pourra jamais se livrer entièrement à ce matérialisme. Son vieux penchant pour les créations artistiques ne s’arrête et ne se repose jamais ; on a pu oublier momentanément les aspirations unitaires de la patrie, mais non les aspirations unitaires de la raison. Cette architecture nous tient plus à cœur que celle de nos cathédrales du moyen âge. Quand l’entrepreneur patenté, le philosophe officiel sommeille, la liberté industrielle travaille ardemment dans l’intervalle ; et chimistes et physiologistes saisissent la truelle de la métaphysique. L’Allemagne est le seul pays de la terre où le pharmacien ne peut préparer un médicament sans s’interroger sur la corrélation de son activité avec l’ensemble de l’univers. C’est cette tendance idéale, qui, pendant que la philosophie restait enfoncée dans le bourbier, a suscité, du moins parmi nous, la polémique matérialiste, pour rappeler aux masses d’ « hommes instruits » trop faciles à contenter, qu’au-delà de l’habitude quotidienne du travail et de l’expérimentation il existe encore un domaine illimité, dont le parcours rafraîchit l’esprit et ennoblit le cœur.

Un mérite doit être pour toujours attribué à la science physique de l’Allemagne de nos jours : suivant ses forces et son intelligence, elle ramassa le gant que d’audacieux insulteurs de la raison avaient jeté à la science. La preuve la plus convaincante de la débilité et de l’avilissement de la philosophie est son silence à l’époque où les misérables favoris de misérables souverains voulurent commander à la pensée de rebrousser chemin.

Il est vrai que les savants, qui étudiaient la nature, furent provoqués même par des hommes sortis de leurs rangs, lesquels, sans la moindre raison scientifique, se sentirent poussés à résister au système prédominant dans l’étude de la nature. La Gazette universelle (d’Augsbourg), qui était descendue jusqu’à livrer la rédaction de ses feuilletons, jadis