Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/117

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idéalisme, que l’on peut, comparativement à celui de Kant, taxer de réactionnaire, et qui outre cela n’est pas facile à comprendre.

Au reste Büchner ne se contente nullement de réclamer un exposé de la philosophie meilleur et plus intelligible ; car, dans ce que l’on a jusqu’ici désigne par ce nom, se présentaient des questions que les termes même les plus populaires ne parviennent pas à rendre beaucoup plus claires, la difficulté étant non dans les mots, mais dans les choses. Nous serions complètement de l’avis de Büchner, pour reconnaître que l’esprit du temps réclame impérieusement la suppression absolue de ce qu’on appelle l’enseignement ésotérique. Sans doute la plupart des philosophes auraient été destitués dans l’occasion, si le radicalisme de leurs opinions réelles eut été aussi évident que la souplesse qu’ils déployaient, souvent grâce aux détours les plus étranges, dans les applications pratiques de leurs idées ; mais cela même n’aurait pas été un grand malheur pour la marche progressive de l’humanité. Kant, qui était un homme aux nobles pensées et qui d’ailleurs pouvait s’appuyer sur le grand roi (Frédéric II) et sur le ministre éclairé, de Zedlitz, avait néanmoins conservé assez des vieux principes ésotériques pour regarder par exemple le matérialisme, à cause de l’intelligibilité de cette doctrine, comme plus dangereux que le scepticisme, qui suppose un plus grand nombre de principes peu connus. Le profond radicalisme, particulier à Kant, est resté, soit par la difficulté du point de vue, soit par l’obscurité du style, tellement caché qu’il ne se révèle complètement qu’aux études les plus perspicaces, les plus exemptes de préjugés ; que Büchner y trouverait peut-être, à l’usage des penseurs modernes, encore plus de matériaux utiles que chez Schopenhauer, s’il avait le courage de se lancer dans l’étude de Kant. Bien que forcés d’être de l’avis de Büchner, en pensant qu’on devrait pour toujours mettre un terme aux obscurités calculées que l’on entasse sur les pas des pro-