Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/12

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Kepler ; mais il établissait un autre parallèle, plus significatif et plus solide. Il comparait son action à celle de Copernic. Or cette action consistait à renverser le point de vue jusqu’alors adopté par la métaphysique. Copernic osa chercher, « d’une manière opposée aux sens, mais vraie », non dans les corps célestes, mais dans l’observateur lui-même, les mouvements remarqués. Non moins « opposé aux sens » doit paraître à l’intelligence paresseuse de l’homme le procédé de Kant, qui renverse avec une impassible assurance le point de vue de la science expérimentale tout entière ainsi que de toutes les sciences historiques et exactes, en posant la simple hypothèse, que nos concepts ne se règlent pas sur les objets, mais les objets sur nos concepts (3). Il s’ensuit immédiatement que les objets de l’expérience ne sont en général que nos objets, qu’en un mot toute l’objectivité n’est pas précisément l’objectivité absolue, mais seulement une objectivité pour l’homme et pour les êtres qui peuvent être organisés comme lui, tandis que derrière le monde des phénomènes se cache, dans une obscurité impénétrable, l’essence absolue des choses, la « chose en soi ».

Disposons, un instant, de cette pensée en toute liberté. Peu nous importe, pour le moment, la manière dont Kant la développa ; nous nous préoccuperons plutôt de l’aspect que le matérialisme prendra à nos yeux, si nous nous plaçons à ce nouveau point de vue.

La fin du premier volume nous a montré la philosophie des écoles en Allemagne sérieusement aux prises avec le matérialisme. La comparaison favorite de l’hydre, à laquelle repoussent toujours deux têtes pour une abattue par le demi-dieu, ne s’applique pas du tout au spectacle que contemple un témoin impartial de ces luttes. Sans doute le matérialisme reçoit chaque fois un coup qu’il ne peut parer ; c’est toujours la même quarte, qui porte chaque fois, quelque risible que soit la maladresse de l’escrimeur. La conscience ne peut s’expliquer par des mouvements matériels. Malgré