Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/127

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Mais les successeurs de Kant avaient soif d’une connaissance absolue ; et, quittant tout à fait le sentier de l’analyse réfléchie, ils se créèrent cette connaissance par la dogmatique de leurs thèses. Ainsi naquit le grand axiome de l’unité du subjectif et de l’objectif, la fabuleuse pétition de principe (petitio principii) de l’unité de la pensée et de l’être, dans laquelle on voit encore Büchner enlacé et captif.

D’après Kant, cette unité n’existe que dans l’expérience, mais elle est le résultat d’une fusion ; elle n’est pas la pensée pure et elle ne donne pas l’être pur. Or, d’après Hegel, ce devrait être l’inverse : précisément la pensée absolue devrait coïncider avec l’être absolu. Cette pensée gagna du terrain à cause de son non-sens grandiose, en rapport avec les besoins de l’époque. Elle est le fondement de la fameuse philosophie de la nature. Dans la fermentation confuse de l’école de Hegel, il était souvent difficile de donner le sens précis de cette pensée. On pouvait la concevoir a priori comme un véritable principe métaphysique ou comme un impératif colossal et catégorique destiné à limiter la métaphysique. Dans ce dernier cas, on se rapproche de Protagoras. Devons-nous définir le vrai, le bien, le réel, etc., de façon à ne nommer vrai, bien, réel, etc., que ce qui l’est pour l’homme, ou devons-nous nous figurer que ce que l’homme reconnaît comme tel a la même valeur aux yeux de tous les êtres pensants, qui existent ou peuvent exister ?

Cette dernière conception, seule propre au véritable et primitif hégélianisme, conduit irrésistiblement au panthéisme ; car on y présuppose comme axiome l’unité de l’esprit humain avec celui de l’univers et avec tous les esprits. Toutefois une partie des épigones s’en tint avec Feuerbach à l’impératif catégorique : réel est ce qui est réel pour l’homme, c’est-à-dire comme nous ne pouvons rien savoir des choses en soi, nous ne voulons rien en savoir non plus, et en voilà assez !

L’ancienne métaphysique voulait connaître les choses en