Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/132

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monde animal et d’arriver, par des recherches physiologiques, à regarder sa propre représentation comme tout aussi incomplète et partielle que celle des différentes classes d’animaux.

Comment le mur de séparation entre la chose pour nous et la chose en soi est-il donc percé ? Si la chose n’existe que par ses rapports avec d’autres objets, on ne peut comprendre cette théorie métaphysique de Moleschott rationnellement que d’une manière : la chose en soi ne consiste que dans la somme de tous ses rapports avec d’autres objets et non dans une portion limitée de ces rapports. Si je ferme les yeux, les rayons de lumière qui auparavant venaient des différentes parties de l’arbre jusqu’à ma rétine ne tombent plus que sur la surface extérieure de mes paupières. Voilà tout le changement qui s’est opéré. Un objet existe-t-il encore quand il ne peut plus échanger avec un autre objet des rayons de lumière, de chaleur, des vibrations de son, des courants électriques, des matières chimiques et des contacts mécaniques, telle est sans doute la question. Ce serait un très-joli thème de subtilités auxquelles la philosophie de la nature donnerait lieu. Mais dût-on accepter la solution de Moleschott, il resterait toujours entre la chose en soi et la chose pour moi une différence à peu près aussi grande que celle qui existe entre le produit d’une infinité de facteurs et celui d’un de ces facteurs pris isolément (58).

Non ! La chose en soi n’est pas la chose pour moi ; mais après mûre réflexion, je puis peut-être mettre cette dernière à la place de l’autre comme je fais par exemple quand je pose mon idée de froid et de chaud à la place des conditions de température des corps. L’ancien matérialisme avait la naïveté de regarder les deux choses comme identiques. Deux causes ont rendu ce résultat à jamais impossible : la victoire de la théorie des ondulations et la philosophie de Kant. On peut rendre hommage à l’influence de cette dernière, mais, en agissant de la sorte, on ne fait pas époque. Il faudrait