Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/142

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vent moins de pénétration intellectuelle que celui d’idées fausses : ainsi le sensualiste ne prétend pas posséder une plus grande sagacité d’esprit, mais bien une morale plus pure et plus solide » (61).

Le « système » de Czolbe était affecté de maints défauts incurables ; mais l’auteur a fait preuve, dans le cours de sa vie, d’une moralité pure et solide. Il travailla sans relâche à perfectionner sa conception du monde, et bien qu’ayant abandonné de très-bonne heure le matérialisme pris dans son sens le plus rigoureux, il resta constamment fidèle à son principe que le monde donné suffit, et que tout suprasensible doit être proscrit. L’opinion que le monde sera éternel dans son état présent et soumis simplement à de légères fluctuations, et la théorie d’après laquelle les ondes de la lumière et du son, qu’il se représente déjà comme lumineuses et sonores en soi, sont transmises au cerveau mécaniquement par les nerfs visuels et auditifs, formaient les deux principaux piliers de son édifice, attaqué avec le plus d’animosité, surtout par les hommes des recherches exactes. Mais Czolbe tint tête résolument, et il traita toutes les objections scientifiques de pures apparences, dont le progrès de la science démontrerait l’inanité (62). Ainsi, tout en croyant pouvoir tirer la conséquence extrême de la conception mécanique du monde, il était incontestablement dépourvu de l’intelligence de la mécanique elle-même.

D’un autre côté, il reconnut de très-bonne heure que le mécanisme des atomes et la sensation constituent deux principes distincts ; aussi ne craignit-il pas d’introduire dans sa conception de l’univers la conséquence de cet aveu, car elle n’était point en désaccord avec son principe moral. Il admet donc, dans un ouvrage publié en 1865 et intitulé Limites et origines de la connaissance humaine, une espèce d’« âme du monde », composée de sensations invariablement unies aux vibrations des atomes, et se condensant seulement dans l’organisme humain où elles se groupent pour produire