Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/149

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sion du travail ne sera qu’améliore dans ses résultats, sans être supprimé. Il peut même arriver qu’un spécialiste, cherchant à acquérir la connaissance généraLe des sciences de la nature, parvienne à une conception bien déterminée sur l’essence de l’univers et les forces qui y régnent, sans éprouver le moindre désir d’imposer ses idées aux autres hommes ou de prétendre qu’elles ont seules une valeur réelle. Une semblable réserve peut être inspirée par les plus sages réflexions, car le spécialiste aura toujours conscience de la différence considérable qui existe entre son savoir spécial et la valeur subjective des notions puisées dans les travaux d’autrui.

Le spécialisme inspire donc de la prudence ; mais parfois aussi il pousse à l’égoïsme et à l’arrogance. C’est ce que l’on remarque surtout quand un spécialiste déclare seule valable sa façon d’envisager les sciences voisines, quand il prétend interdire à tout autre le droit d’émettre un jug-ement quelconque sur les choses de son ressort personnel, quand, par conséquent, il rejette absolument le modedepenser nécessaire à celui qui a pris la vue d’ensemble de la nature pour but de ses recherches. Si, par exemple, le chimiste veut interdire au physiologiste de dire un mot sur la chimie, ou si le physicien veut repousser le chimiste comme dilettante, quand il se permet une parole à propos de la mécanique des atomes, qu’il ait soin d’avoir sous la main de solides arguments pour prouver la légèreté de son adversaire. Mais si ce n’est pas le cas, s’il réclame, pour ainsi dire, au nom des droits prétendus de sa profession, l’expulsion officielle de l’ « intrus », avant que l’ouvrage de ce dernier ait été sérieusement examiné, il montre une prétention que l’on ne saurait blâmer assez fortement. Cette arrogance est très-condamnable surtout quand il ne s’agit pas d’émettre des vues nouvelles, mais simplement de coordonner d’une autre façon des faits dûment constatés, enseignés par les spécialistes eux-mêmes, de les combiner avec des faits empruntés à un autre do-