Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/176

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quantité infinie d’explications et d’analyses mathématiques de plus en plus délicates, tandis que la difficulté qui s’oppose ici à la connaissance reste toujours la même. Mais sans avoir besoin de revenir aux atomes, on trouve partout des traces de l’insuffisance de la conception mécanique. Comme on le sait, Hume cherchait (voir plus haut, p. 8) à éliminer les objections contre une explication matérialiste de la pensée, en prétendant trouver la même incompréhensibilité dans tous les autres cas de rapport causal, que dans le cas présent. En cela, il avait raison ; mais l’appui que, sur ce point, il donne au matérialisme, tourne, sur un autre point, au détriment du système. Puisque les contradictions ne peuvent être inhérentes à la «chose en soi », elles doivent avoir leur origine dans notre mode de connaître.

Si la conscience et le mouvement du cerveau coïncident, sans que l’on puisse comprendre l’influence de l’un sur l’autre, il n’est g’uère possible d’éviter la vieille pensée spinoziste, dont l’écho se retrouve souvent chez Kant, que les deux ne sont qu’une seule et même chose, en quelque sorte projetée sur différents organes de la connaissance. Le matérialisme se cramponne si fort à la réalité et aux mouvements de sa matière, qu’un partisan sincère de cette doctrine n’hésite pas longtemps à soutenir que le mouvement du cerveau est le réel et l’objectif, tandis que la sensation n’est qu’une espèce d’apparence ou de reflet trompeur de l’objectivité. Or « l’apparence trompe », et même l’idée d’apparence a été fréquemment reconnue comme illusoire. Les philosophes de l’antiquité notamment faisaient preuve d’une grande naïveté en croyant être débarrassés d’une chose quand ils pouvaient la qualifier d’ « apparence ». Comme si l’idée d’apparence n’était pas relative ! Une lueur, une traînée de brouillard semblent être une forme, mais existent réellement comme lumière et brouillard. Lorsque, par exemple, le mouvement est déclaré une apparence, on peut avoir certes un motif pour regarder la chose en soi