Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/209

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poids spécifique des gaz, bien qu’ils se composent de quantités égales d’éléments semblables (isomérie), on se vit forcé de recourir à des déplacements et à des groupements différents des atomes, sans posséder encore de principe fixe pour ces combinaisons. Le rapide développement de la chimie organique conduisit bientôt à une telle accumulation de ces combinaisons hasardées, que les chimistes prudents se sentirent tout déconcertés.

Ajoutons que l’insuffisance de la théorie électro-chimique fut de plus en plus mise en lumière par les progrès de la science. Une période de doute et d’hésitation était inévitable. La théorie rectifiée des types, qui a fini par diriger les idées du groupement des atomes dans les molécules vers une voie sûre, commença par rejeter toutes les spéculations sur la constitution de la matière et par s’en tenir simplement au fait de la possibilité de la substitution, d’après certaines règles, d’un élément à un autre, dans un corps ayant un certain type de composition. Liebig déclara, dans une dissertation hardiment novatrice sur la constitution des acides organiques (1838), que « l’on ne sait rien sur l’état dans lequel se trouvent les éléments de deux corps composés, dès qu’ils se sont unis dans une combinaison chimique, et ce que l’on pense du groupement des éléments dans la combinaison ne repose que sur une convention, sanctifiée par l’habitude et par l’opinion dominante » (20). Schœnbein émit une assertion encore plus sceptique dans son Album de Combe-Varin : « Là où les idées manquent un mot survient à point, et certes on a, particulièrement en chimie, étrangement abusé, depuis l’époque de Descartes, des molécules et de leur groupement, dans l’espoir de nous expliquer, par ces jeux de l’imagination, des phénomènes encore complètement obscurs et de tromper l’entendement. »

Par le fait, les « jeux de l’imagination » ne servent pas à tromper l’entendement, mais plutôt à le guider et à le soutenir, d’après la maxime, profondément établie par la théorie