Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/251

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nité » la durée extrême, à laquelle leur imagination peut atteindre. Bien que l’idée d’une éternité absolue soit si compréhensive que tout ce que peut inventer l’imagination la plus féconde ne compte pas plus en face d’elle que la mesure la plus vutgaire du temps, cette idée nous est cependant tellement familière que celui qui admet l’existence éternelle de la terre et du genre humain nous paraît comparativement modéré à côté d’un autre qui accorderait simplement qu’il faut multiplier des billions de fois la période de transition entre t’homme du déluge et l’homme de l’époque actuelle, pour mesurer l’intervalle qui s’est écoulé depuis la cellule organique la plus simple jusqu’à la naissance de l’homme. Ici nos sens sont partout en lutte avec la logique. Ce que nous pouvons tant soit peu nous représenter en imagination nous paraît facilement immense et invraisemblable, tandis que nous jouons avec les conceptions les plus monstrueuses, dès que nous les avons amenées à la forme d’une idée comptétement abstraite. Six mille ans d’un côté, — l’éternité de l’autre, voilà à quoi on est habitué. Ce qui est entre ces deux extrêmes paraît d’abord digne d’attention, puis hardi, ensuite grandiose, finalement fantastique, et cependant toutes ces épithètes ne relèvent que de la sphère du sentiment ; la froide logique n’a rien à démêler avec elles.

On croyait naguère, d’après un calcul de Laplace, que la révolution de la terre n’avait pas encore varié de 1/300 seconde depuis l’époque d’Hipparque jusqu’à nos jours, et Czolbe a utilisé ce calcul pour étayer sa théorie de la stabilité. Mais il est évident que la seule conséquence à déduire d’un pareil fait serait que le retard dans la vitesse de la révolution, retard admis comme nécessaire par la théorie physique, ne dépassât en aucun cas une seconde par 600 000 années. Supposons que ce retard soit d’une seconde par 100 millions d’années, au bout de quelques milliards d’années les durées du jour et de la nuit, sur notre globe,