Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/273

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

servir présentement que d’introduction générale à une discussion plus approfondie ; mais comme plusieurs de nos assertions d’alors ont été soit approuvées, soit critiquées, nous allons les reproduire intégralement, en nous réservant seulement d’ajouter les modifications nécessaires dans des notes ou des suppléments ultérieurs. — Il n’existe peut-être pas, dans toute la science moderne, d’exemple d’une superstition aussi insoutenable, aussi grossière que celle de l’espèce, et, sur peu de points sans doute, on s’est bercé et endormi du sommeil dogmatique à l’aide de plus faibles arguments (54). On a peine à comprendre qu’un naturaliste, qui se préoccupe, depuis vingt ans, d’établir l’idée d’espèce, qui entreprend de poser un nouveau critérium de l’espèce dans la faculté de se propager, ne fasse, pendant tout ce temps, aucune expérience relative à cette question, mais se contente, en véritable historien de la nature, de passer au crible, comme critique, les récits que le hasard lui a transmis. Sans doute, sur le terrain de l’étude de la nature aussi, on doit admettre la division du travail entre l’expérimentation et l’appréciation critique des expériences, et cela dans un sens plus large que d’ordinaire. Mais lorsqu’on voit un champ demeurer encore inculte aussi complètement que celui de la formation des espèces, la première pensée, à laquelle nous conduisent forcément la saine raison et la méthode des sciences de la nature, est que, sur ce terrain comme sur tous les autres, l’expérimentation peut seule nous apprendre quelque chose. Or André Wagner s’est égaré si loin hors du sentier de l’étude de la nature, qu’il s’imagine opérer de grandes choses en réclamant une constatation judiciaire pour les prétendues formations d’hybrides, et qu’en attendant il maintient ses dogmes comme inébranlables (55). C’est sans doute la le procédé convenable, quand on regarde comme sa propriété personnelle un préjugé que l’on a pris en affection, et que l’on oppose la prescription il quiconque veut l’enlever ; mais ce point de vue n’a pas la moindre ana-