Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/283

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multiplicité à l’unité une conséquence de notre organisation à admettre que, dans le monde des choses en soi, cette opposition s’explique d’une manière qui nous est inconnue, ou plutôt que cette opposition n’existe même pas. De la sorte nous échappons à la cause intime de la contradiction, qui consiste généralement dans l’admission d’unités absolues lesquelles ne nous sont données nulle part. Si nous concevons toute unité comme relative, si nous ne voyons dans l’unité que la synthèse qui se fait dans notre pensée, nous n’avons sans doute pas atteint à l’essence suprême des choses, mais bien rendu possible une marche conséquente dans la recherche scientifique. L’unité absolue de la conscience du moi y trouve peu son compte, il est vrai, mais il n’y a pas d’inconvénient à éliminer une idée en faveur depuis plusieurs milliers d’années. Dans ce chapitre, nous nous en tiendrons avant tout aux phénomènes généraux de la nature organique.

Gœthe, dont la morphologie nous apparaît comme une des conceptions les plus saines et les plus fécondes de la période troublée, de tant de façons, que remplit la philosophie de la nature, était arrivé au point de vue vers lequel nous poussent énergiquement aujourd’hui toutes les découvertes les plus récentes, simplement en pénétrant par la pensée dans les formes et transformations du monde végétal et animal. « L’être vivant, dit-il, n’est pas unique, mais multiple ; même quand il nous apparaît comme individu, il n’en reste pas moins une collection d’êtres vivants, distincts, qui sont égaux idéalement et virtuellement, mais qui peuvent, dans la manifestation phénoménale, devenir égaux ou semblables, inégaux ou dissemblables. Ces êtres sont en partie juxtaposés dès l’origine, en partie ils se rencontrent et se réunissent. Ils se séparent, se recherchent de nouveau, et donnent lieu ainsi à une production infinie, de toute manière et dans toutes les directions. — Plus la créature est imparfaite, plus ses parties sont égales ou semblables les unes aux autres, et plus