Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/29

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sentera avec une exactitude absolue la mesure d’une grandeur ou d’une force. C’est donc seulement lorsque, et en tant que, par exemple, une orbite planétaire correspond à la ligne par nous adoptée et nommée ellipse, que nous pouvons dire que toutes les propriétés déduites de cette idée lui appartiennent également avec nécessité. Mais d’aucune de ces propriétés nous ne devons affirmer, autrement que d’une manière hypothétique, qu’elle appartient à une orbite planétaire ; bien plus le cours réel de la planète ne répondra même jamais complètement à nos hypothèses.

Telle est l’essence de la théorie ; en ce qui concerne la polémique contre Whewell, elle n’est ni entièrement juste, ni exempte de préjugés, bien que cette longue querelle ait eu lieu au total dans les formes les plus courtoises. Mill, qui a l’habitude d’apprécier une opinion adverse avec une entière loyauté et de l’exposer avec clarté, ne procède pas toujours avec une rigoureuse exactitude et cite mainte assertion de son adversaire dans un ordre différent de celui où elle a été énoncée (10). La cause de ce fait surprenant est que Mill croit toujours voir le fantôme des vieilles idées innées et des révélations platoniciennes émanées d’un monde suprasensible, qui a si longtemps joué son rôle dans la métaphysique, et dont la connexion avec des obscurités de la pire espèce est bien de nature à irriter un antagoniste austère et ennemi de tout mysticisme. C’est le même motif qui, en Allemagne, a pu entraîner un Ueberweg à de si dures injustices contre le système de Kant, où l’on voulait semblablement trouver caché derrière l’« a priori » tout l’appareil des révélations surnaturelles. L’a priori de Kant diffère entièrement de celui de l’ancienne métaphysique ; et toute sa conception de ces problèmes se trouve même en complète opposition avec Leibnitz, qui place les vérités fournies par la raison au-dessus des connaissances que nous procure l’expérience. Nous allons montrer comment on peut répondre à l’empirisme de Mill, dans le sens strictement kantiste ; mais d’abord nous voulons