Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/322

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par les lois ordinaires de la nature. Avec une semblable présupposition, le tour d’adresse de la philosophie de l’inconscient cesse d’être possible. Mais si l’on s’en tient à la probabilité 0,9, la probabilité, pour l’ensemble des phénomènes, sera, d’après l’hypothèse précitée, égale à la quinzième puissance de 0,9, ce qui donnera une fraction très-petite, en face de laquelle la partie adverse, la « cause spirituelle », présentera l’éclat d’une probabilité très-notable.

De la même manière il est facile de démontrer qu’un homme ne peut pas gagner dix fois de suite au jeu de dés sans l’aide de la fortuna ou d’un spiritus familiaris. Il n’y a que le premier pas qui coûte. On doit affirmer avec une naïve assurance la proposition disjonctive qu’à chaque coup heureux il y a concours de la fortune ou non. On égale à dans chaque cas, la probabilité du gain sans le concours de la fortune, et aussitôt on a la dixième puissance de cette fraction pour probabilité du gain répété dix fois de suite. Le concours de la fortune se rapproche alors de la certitude.

Quiconque connaît un peu plus à fond le calcul des probabilités sait que la probabilité pour chaque série déterminée de faits également possibles est égale en soi ; que par conséquent le cas où, par exemple, notre joueur gagnera au premier coup, perdra aux deuxième, troisième et quatrième, regagnera au cinquième et au sixième, reperdra au septième, regagnera aux huitième et neuvième, reperdra au dixième, est tout à fait aussi improbable que la supposition qu’il gagnera dix fois de suite (86). La réalité elle-même, quand elle dépend de beaucoup de circonstances distinctes, ou quand elle est un cas spécial, dans de très-nombreuses possibilités, apparaît toujours, a priori, comme très-peu probable, ce qui ne change rien à sa réalité. La simple explication du fait est que toute la théorie des probabilités est une abstraction des causes efficientes que nous ne con-