Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/438

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trine du libre arbitre. A. Wagner, dans son beau travail (Hambourg, 1864) sur la régularité des actes humains libres en apparence, a cru nécessaire de reprocher à nos philosophes de s’être si peu préoccupés de Quételet et de ses recherches ; mais ce reproche n’est point parfaitement juste. Deshommes tels que Waitz, Drobisch, Lotze, etc., que Wagner aurait supposé devoir tenir compte de Quételet, ont tellement dépassé cette opposition entre la liberté et la nécessité, qu’il leur est certainement difficile de se placer au point de vue de ceux qui trouvent, ici encore, un grave problème à résoudre. Nous pouvons donc bien renvoyer à ce que nous avons dit, dans le chapitre relatif à Kant, sur la question du libre arbitre. Entre la liberté comme forme de la conscience subjective et la nécessité comme fait des recherches objectives, il ne peut pas plus y avoir de contradiction qu’entre un son et une couleur. La même vibration d’une corde donne à l’œil l’image du mouvement oscillatoire, au calcul un nombre déterminé de vibrations par seconde et à l’oreille un son unique. Mais cette unité ne contredit pas cette multiplicité, et si la conscience ordinaire attribue au nombre des vibrations un plus haut degré de réalité qu’au son, on ne doit pas y trouver trop à redire. Quelque intéressantes et suggestives que puissent être les recherches si nouvelles de Quételet, elles n’intéressent pas le philosophe, plus éclairé, de l’Allemagne, à cause de leurs rapports avec le libre arbitre, puisque d’ailleurs la détermination empirique et la rigoureuse causalité de tous les actes humains, que Quételet n’ose pas même affirmer complètement, passent, depuis Kant, pour une chose certaine, et, en quelque sorte, connue et réglée. Ce qui est aussi tout à fait dans l’ordre, c’est que l’importance de la liberté soit maintenue en face du fatalisme matérialiste, notamment sur le terrain de la morale. Car ici il ne s’agit plus seulement de soutenir que la conscience de la liberté est une réalité, mais encore que le cours des représentations, se rattachant à la conscience de la liberté et de la responsabi-