Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/441

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dans un pays doit être considéré comme la mesure de la moralité de ce pays. Rien n’est plus illogique, pour peu que l’on possède sur la moralité une idée qui s’élève en quelque sorte au-dessus de l’évitement prudent des peines. On devrait du moins a priori, pour trouver un nombre en rapport avec la moralité, diviser le nombre des actes coupables par celui des occasions ou des tentations facilitant ou provoquant ces actes. On comprendra parfaitement qu’un certain nombre de falsifications de billets quelconques, dans un arrondissement où il se fait beaucoup d’affaires, n’a pas autant de gravité que le même nombre de falsifications dans un arrondissement de grandeur égale, mais où la circulation des billets est moitié moindre. Or la statistique criminelle ne fournit que le nombre absolu des cas, et, quand elle fait tant que de donner des chiffres comparatifs, c’est tout au plus si elle indique comme mesure d’appréciation le nombre des habitants et non celui des actes ou des affaires qui peuvent, par abus, faire naître des crimes. Il y a même bien des espèces de délits pour lesquels on ne saurait trouver un dénominateur qui puisse servir de terme exact de comparaison, et cependant il existe une différence de développement moral dans les groupes de population que l’on voudrait comparer, différence telle que l’on ne saurait attribuer dans les deux cas la même importance morale et psychologique au nombre comparatif des délits, calculé par tête. Comme les faiseurs de statistique morale ne tiennent pas encore suffisamment compte de ce détail, je me permettrai ici de signaler le fait important de cette évolution morale que, le premier, j’ai exposée dans mon cours de statistique morale à l’université de Bonn, durant l’hiver de 1857-1858, et dont je n’ai cessé depuis lors de constater l’exactitude, sans trouver le temps de publier ce cours. Si l’on compare l’état d’une population de bergers vivant uniformément, comme nous pourrions en trouver dans plusieurs départements de la France centrale, avec l’état d’une population entraînée par le mouvement industriel, littéraire, politique des esprits, chez