Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/445

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Tandis que la physiologie générale des nerfs, marchant de progrès en progrès, représentait de plus en plus la vie comme le produit de phénomènes mécaniques, l’examen plus rigoureux des processus de la sensation, dans leurs rapports avec la nature et avec le fonctionnement des organes des sens, en venait immédiatement à nous montrer qu’avec la même nécessité mécanique, d’après laquelle tout s’est coordonné jusqu’ici, naissent aussi en nous des représentations qui doivent leur essence particulière à notre organisation, encore qu’elles soient provoquées par le monde extérieur. Autour de la portée plus ou moins grande des conséquences de ces observations roule toute la question de la chose en soi et du monde des phénomènes. La physiologie des organes des sens est le kantisme développé ou rectifié, et le système de Kant peut en quelque sorte être regardé comme le programme des découvertes récentes faites sur ce terrain. Un des investigateurs les plus heureux, Helmholtz, a utilisé les conceptions de Kant comme un principe heuristique ; il a ensuite, avec conscience et logique, suivi la voie par laquelle d’autres aussi sont parvenus à rapprocher de notre entendement le mécanisme de l’activité des sens.

En apparence, la révélation de ce mécanisme n’est pas défavorable aux théories des matérialistes. Le développement de l’acoustique par la réduction des voyelles à l’effet produit par la vibration simultanée d’harmoniques supérieures est en même temps une confirmation nouvelle du principe mécanique de l’explication de la nature. Le timbre, en tant que résultat d’une multitude de sensations sonores, n’en reste pas moins un effet des mouvements de la matière. Quand nous trouvons que l’audition de sons musicaux déterminés dépend de l’appareil résonnateur appelé l’organe de Corti, ou que la position des images visuelles dans l’espace dépend de la sensibilité musculaire propre à l’appareil moteur de l’œil, il ne nous semble pas que nous quittions ce terrain. Survient le stéréoscope, qui nous décompose la sensation de