Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/455

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ressent une douleur et s’allongent quand il conçoit un désir. Cette forme est tout à fait sur l’avant-scène. Ses parties étranges, dont la connexion est imparfaite, traversent souvent, comme des ombres gigantesques, tout le champ de la vision.

D’autres formes apparaissent, plus petites sous le rapport de la perspective, très-semblables, mais plus complètes, plus connexes que le grand être de l’avant-scène, avec lequel s’associent d’une manière si indissoluble les sensations de douleur et de plaisir. Notre être combine, abstrait, et comme il ne connaît absolument rien de lui-même que ses sensations, celles-ci se fondent dans la grande forme incomplète de l’avant-scène du champ de la vision ; mais, par la comparaison avec d’autres, cette forme est complétée en arrière dans la représentation. Maintenant nous avons le moi, le corps, le monde extérieur, la perspective, tout dans l’état convenable, considéré au point de vue d’une espèce d’âme qui, par l’association des idées, arrive à un certain concept du moi, sans rien savoir de sa propre essence. Le concept du moi est provisoirement, comme c’est en premier lieu l’ordinaire chez l’homme, complètement inséparable du concept du corps, et ce corps est le corps du diorama, le corps de la rétine fusionné avec le corps des sensations du toucher, des sensations de douleur et de plaisir.

Quiconque ne suit pas attentivement des yeux le fil de notre marche d’idées pourrait croire que nous allons subitement nous convertir à l’âme de Lotze composée de points ; mais on voudra bien se rappeler que nous n’avons posé qu’une hypothèse. Nous avons personnifié un phénomène qui n’est autre que celui de la fusion des perceptions des sens elles-mêmes. L’intermédiaire d’une personnalité quelconque est inutile. Nous avons vu précédemment que l’on peut construire toute une vie pour l’âme, dans le sens que nous attribuons habituellement à ce mot, avec les sensations graduées, variées et combinées à l’infini. Ici il nous suffira de faire remarquer que nous ne croyons pas même avoir besoin d’un