Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/462

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la « représentation » un fait résultant, en apparence, de l’activité immédiate des sens. Ils préfèrent abandonner ces théories aux philosophes et s’évertuent même à trouver un mécanisme qui produise nécessairement la chose. Mais en supposant qu’ils l’eussent trouvé, cela ne prouverait aucunement que la chose n’a rien à faire avec la « représentation » ; on aurait, au contraire, fait un pas important vers une explication mécanique de la représentation elle-même. Peu nous importe, pour le moment, de savoir si cette explication néglige ou non quelque autre chose, et si le mécanisme, qui reste à découvrir, est inné ou dû à l’expérience et variable avec elle. Mais ce qui est d’une très-grande importance, c’est que les fondements de nos éléments sensoriels, tels que la vision corporelle, le phénomène de l’éclat lumineux, la consonnances ou la dissonance des tons, etc., soient analysés dans leurs conditions et démontrés être le produit de circonstances diverses. Ainsi se modifiera nécessairement peu à peu la conception que l’on s’est faite jusqu’ici de l’élément matériel et de l’élément sensoriel. Pour le moment, c’est chose tout à fait indifférente de découvrir si les phénomènes du monde des sens peuvent se ramener à la représentation ou au mécanisme des organes, pourvu qu’il reste prouvé qu’ils sont, dans la plus large acception du mot, des produits de notre organisation. Cela établi non-seulement pour tel ou tel phénomène, mais encore pour une généralité suffisante de faits, nous obtenons la série des conclusions suivantes :

I. Le monde des sens est un produit de notre organisation.

II. Nos organes visibles (corporels) ne sont, comme toutes les autres parties du monde des phénomènes, que des images d’un objet inconnu.

III. Le fondement transcendant de notre organisation nous reste donc inconnu aussi bien que les choses qui ont de l’action sur nos organes. Nous n’avons jamais devant nous que le produit des deux facteurs.