Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/463

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Nous arriverons bientôt à une série ultérieure de conclusions. Mais d’abord quelques réflexions encore sur la connexion entre la représentation et l’impression sensorielle. — À propos de la vision stéréoscopique, nous n’avons pas cherché à nous expliquer le mécanisme des phénomènes y afférents. Nous avons toutefois un groupe de phénomènes extrêmement remarquables, où il est impossible de ne pas reconnaître l’intrusion d’un raisonnement et même d’un raisonnement faux dans la sensation immédiate de la vision. On sait que l’entrée du nerf optique dans l’œil est insensible à la lumière ; elle forme sur la rétine une tache aveugle dont nous n’avons d’ailleurs pas conscience. Non-seulement un œil supplée à ce qui manque à l’autre — sans quoi tout borgne connaîtrait forcément la tache aveugle, — mais encore la vue est complétée d’une manière tout à fait différente.

Une surface teinte uniformément, sur laquelle on applique un petit disque d’une autre couleur quelconque, apparaît sans interruption dans la couleur du fond, pourvu qu’en dirigeant bien l’axe des yeux on fasse tomber ce disque sur la tache aveugle de la rétine. Ainsi l’habitude de compléter une surface se présente ici Immédiatement comme une impression faite par les couleurs sur les sens. Si la couleur du fond est rouge, on voit rouge aussi à l’endroit recouvert (il faut bien entendre ici l’expression dont je me sers). Cette sensation ne se laisse pas ramener, à l’hypothèse abstraite que ce point ne se distinguera pas du reste de la surface ni à la nature, facilement discernable, d’une image créée par l’imagination ; mais on voit aussi clairement qu’on a l’habitude de voir avec une place de la rétine assez éloignée de la tache jaune, la couleur qui, d’après la simple structure de l’organe externe, ne pourrait absolument pas apparaître à l’endroit en question.

On a varié cette expérience de diverses manières. On applique à la surface blanche une baguette noire, dont on fait tomber le milieu sur la tache aveugle. La baguette apparaît tout entière, peu importe qu’elle soit entière ou qu’elle soit