Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/464

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brisée à l’endroit recouvert. L’œil fait en quelque sorte un raisonnement fondé sur la vraisemblance, un raisonnement emprunté à l’expérience, une induction incomplète. Nous disons : l’œil fait ce raisonnement. C’est à dessein que nous n’employons pas de terme plus précis, uniquement parce que nous ne voulons indiquer par là que l’ensemble des faits qui se manifestent depuis l’organe central jusqu’à la rétine, ensemble auquel on rapporte aussi la fonction de la vision. Nous tenons pour contraire à la méthode de séparer, dans ce cas, l’un de l’autre le raisonnement et la vision, sous prétexte que ce sont deux actes distincts. On ne peut faire cela que dans l’abstraction. Si l’on n’interprète pas artificiellement le fait réel, la vision est, dans ce cas, elle-même un raisonnement et le raisonnement se traduit sous la forme d’une représentation visuelle, comme dans d’autres cas il se traduit sous forme de concepts exprimés par le langage.

Ici voir réellement et raisonner ne font qu’un, comme le prouve la simple considération que l’on conclut simultanément, à l’aide des concepts, avec une parfaite certitude le contraire de ce que donne le phénomène immédiat des sens. Si l’impression sensorielle appartenait simplement comme telle à l’organe de la vision, si tout raisonnement s’effectuait dans un organe particulier de la pensée, il serait difficile d’expliquer cette contradiction entre un raisonnement et un autre raisonnement, abstraction faite de la difficulté spéciale de la pensée inconsciente. Cette dernière difficulté est rapprochée d’une solution générale, si nous admettons que des opérations, qui sont identiques avec le raisonnement dans leurs conditions et dans leur résultat, peuvent se fondre et s’identifier avec la simple activité des sens.

Combien grande est en effet l’unité de l’acte de raisonner et de celui de voir dans ces phénomènes, c’est ce que montre le succès d’une variante de l’expérience, qui attire en quelque sorte l’attention de l’œil sur l’imperfection de ses prémisses. On façonne une croix de différentes couleurs et