Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/467

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nisme physique qui produise les conclusions de l’entendement et des sens, nous serons alors immédiatement en face des questions : Qu’est-ce que le corps ? Qu’est-ce que la matière ? Qu’est-ce que le physique ? Et la physiologie actuelle, aussi bien que la philosophie, sera forcée de répondre à ces questions : Tout cela, ce sont simplement nos représentations, des représentations nécessaires, des représentations résultant des lois de la nature ; mais en tout cas ce ne sont pas les choses elles-mêmes.

La conception logiquement matérialiste se change par là aussitôt en conception logiquement idéaliste. On ne peut admettre un abîme dans notre être. Nous ne pouvons pas attribuer certaines fonctions de notre être à une nature physique, d’autres à une nature spirituelle ; mais nous avons le droit de présupposer des conditions physiques pour toutes choses, même pour le mécanisme de la pensée, et de ne pas nous reposer avant de les avoir trouvées. Nous avons pareillement le droit de regarder non-seulement le monde extérieur qui se manifeste à nous, mais encore les organes avec lesquels nous le percevons, comme de simples images de ce qui existe véritablement. L’œil, avec lequel nous croyons voir, n’est lui-même qu’un produit de notre représentation ; et quand nous trouvons que nos images visuelles sont provoquées par la structure de l’œil, nous ne devons jamais oublier que l’œil lui-même avec toute sa structure, le nerf optique, le cerveau et toutes les dispositions, que nous pourrions encore y découvrir comme causes de la pensée, ne sont que des représentations, qui forment, il est vrai, un monde dont toutes les parties se relient entre elles, mais un monde qui nous invite à aller au delà de lui-même. Reste à examiner s’il est vraisemblable que le monde des phénomènes diffère de celui des choses déterminantes autant que le voulait par exemple Kant, qui ne voyait dans le temps et l’espace que des formes de conception purement humaines ; ou s’il nous est permis de penser que du moins la matière, avec son mouvement, existe