Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/474

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térieur à Kant et à la Révolution française. En Italie, dans les Pays-Bas, en France, l’esprit de recherche, qui caractérise les derniers siècles, avait depuis longtemps soumis à une étude théorique le commerce, les relations internationales, le fonctionnement des impôts et des taxes, les sources du bien-être ou de l’appauvrissement de nations entières ; mais, en Angleterre seulement, avec la prospérité croissante de l’industrie et d’un commerce embrassant le globe entier, l’économie politique se développa au point de devenir une sorte de science. Adam Smith, dont la Théorie morale n’eut que peu de succès, acquit un renom éclatant par ses Recherches sur la richesse des nations. À ses yeux, la sympathie et l’intérêt étaient les deux grands ressorts des actions humaines. De la sympathie il faisait dériver toutes les vertus de l’individu et tous les avantages de la société ; mais, après avoir expliqué aussi la justice, d’une manière assez artificielle, il en fait le véritable fondement de l’État et de la société. Un penchant réciproque entre les membres de la société, des égards bienveillants pour les intérêts d’autrui sont de belles choses ; mais elles peuvent faire défaut, sans que l’État périsse. La justice ne peut pas faire défaut ; avec elle subsiste, avec elle succombe toute communauté. Dans la poursuite des richesses et des honneurs, la théorie morale permet déjà à chacun d’user de ses forces jusqu’à l’extrême, afin de surpasser tous ses concurrents, à la seule condition de ne pas commettre d’injustice ; finalement dans la théorie de la richesse des nations Smith posa comme axiome que chacun, en ne recherchant que son propre intérêt, travaille en même temps au profit de tous. Quant au gouvernement, il n’a d’autre devoir que de garantir la plus grande liberté possible à cette lutte des intérêts (1). Prenant ces principes pour point de départ, il donna au jeu des intérêts, au marché de l’offre et de la demande des règles qui, aujourd’hui encore, conservent leur importance. Au reste ce marché des intérêts ne constituait pas pour lui la totalité, mais seulement une partie importante de l’existence. Toutefois