Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/478

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jouissances éclairées et peu dispendieuses, non-seulement ces personnes mèneraient une vie plus belle, plus digne, mais on posséderait aussi des fondements matériels en quantité suffisante pour assurer la durée à une culture plus noble, quelles que soient ses exigences et pour donner à notre période historique actuelle une valeur supérieure à celle de l’antiquité classique. Mais les affaires y perdraient peut-être plus de capitaux que ne leur en fait perdre aujourd’hui le luxe le plus insensé ; peut-être encore qu’une faible partie seulement de la population bénéficierait de cette culture. D’un autre côté aussi, il est certain qu’aujourd’hui la majeure partie de la population se trouve dans un état déplorable. Si toutes les forces de nos puissantes machines, si toutes les œuvres infiniment perfectionnées de la main de l’homme, grâce à la division du travail, étaient employées à donner à chacun ce dont il a besoin, à rendre la vie supportable et à procurer à l’esprit les loisirs et les moyens propres à le développer, il y aurait probablement déjà la possibilité d’étendre à toutes les couches les bienfaits de la culture, sans nuire à la tâche intellectuelle de l’humanité ; mais jusqu’ici notre époque n’a pas encore pris cette direction. Il est vrai que l’on voit produire forces sur forces, inventer sans cesse de nouvelles machines, imaginer sans cesse de nouvelles voies de communication ; il est vrai que les capitalistes, qui disposent de toutes ces ressources, ne cessent de créer, au lieu de jouir, dans une honorable tranquillité, des fruits de leur travail ; maigre cela, l’activité, qui se multiplie continuellement, ne se préoccupe pas du tout d’augmenter le bien-être général. Là où fait défaut le goût des jouissances intellectuelles surgissent des besoins qui grandissent toujours plus rapidement que les moyens de les satisfaire.

C’est une thèse favorite du matérialisme moral de nos jours que l’homme est d’autant plus heureux qu’il a plus de besoins, avec les moyens suffisants pour les satisfaire. Les anciens émirent à l’unanimité une opinion contraire.