Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/496

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rares et éminentes sont servies par des circonstances favorables et comment, en revanche, dans l’ensemble, la capacité nécessaire pour de hautes fonctions se rencontre toujours là où se trouvent les conditions matérielles de ces hautes fonctions. De même que les germes des plantes flottent en l’air et se développent — chacun dans son espèce — là où se trouvent des conditions favorables, de même en est-il de la capacité des hommes à profiter des circonstances propices, pour se procurer des avantages encore beaucoup plus considérables. Or cette thèse, unie à la loi de l’augmentation du capital, renverse toute la théorie de l’harmonie des intérêts. On peut démontrer cent fois que les succès des spéculateurs et des grands entrepreneurs améliorent aussi peu à peu la condition de tous les autres citoyens ; tant qu’il sera vrai qu’à chaque pas en avant croîtra également la différence dans la condition des individus et dans les moyens de prendre un nouvel élan, il sera vrai aussi que chaque pas dans cette direction rapprochera d’une évolution où la richesse et la puissance de quelques-uns rompront les barrières résultant des lois et des mœurs, où la forme du gouvernement ne sera plus qu’une vaine apparence, où un prolétariat avili deviendra le jouet des passions de l’aristocratie, jusqu’à ce qu’enfin le tremblement de terre social bouleverse tout et engloutisse l’ingénieux édifice des intérêts particuliers. Les périodes qui ont précédé cet écroulement se sont déjà répétées si souvent dans l’histoire, et toujours avec le même caractère, que l’on ne peut plus se tromper sur leur nature. L’État devient vénal. « Le pauvre désespéré haïra la loi aussi facilement que le riche la dédaignera », dit Roscher. — Sparte périt lorsque tout le territoire fut possédé par cent familles ; Rome tomba lorsque des millions de prolétaires se trouvèrent en face de quelques milliers de propriétaires, disposant de ressources tellement considérables qu’au dire de Crassus, on n’était pas riche si l’on ne pouvait pas entretenir une arméeà ses frais. « Dans l’Italie moderne aussi, la liberté du peuple a été dé-