l’est celui du pauvre relativement au riche là où les rapports résultant des successions se développent progressivement.
Cette inégalité, répétons-le, n’est point préméditée dans l’origine ; sans quoi, dès leur jeunesse, les peuples auraient consciemment rendu hommageà la dogmatique de l’égoïsme. Mais, dans ces périodes-là, leurs sentiments sont tout autres.
Privatus illis census erat brevis,
Commune magnum
dit Horace en parlant des anciens Romains, et rarement le
contraste entre les périodes d’un ardent amour du bien public
et celles où l’égoïsme prédominait a été dépeint d’une
façon aussi saisissante et aussi vraie que par ce poëte. Et cependant
ce furent ces anciens Romains, qui rédigèrent ces
codes, encore admirés et utilisés par l’Europe. Si donc la
protection légale et la sanctification de la propriété laissent
pousser l’ivraie avec le froment, il faut qu’il y ait des circonstances
qui produisent cet effet contre le gré des législateurs,
des circonstances inaperçues dans l’origine, ou peut-être absolument
inéluctables. Si l’on songe que l’ordre légal et régulier
ne peut naître qu’avec le dévouement à l’intérêt général
et la diminution des tendances brutales de l’égoïsme, mais
que l’égoïsme joue encore un rôle très-considérable dans
une république telle que celle des anciens Romains et qu’il
a été seulement en quelque sorte réduit à des limites dans
l’intérieur desquelles il est regardé comme légitime, on est
alors amené à se demander pourquoi l’on n’a pas établi des
limites semblables contre l’inégalité progressive de la propriété,
pour maintenir le salutaire équilibre entre l’égoïsme
et le sentiment de l’intérêt général. Nous trouvons ensuite
que précisément dans l’ancienne Rome les citoyens les plus
nobleset les plus vertueux ont vainement essayé de résoudre
ce problème. Il est d’ailleurs tout naturel que ceux des propriétaires
qui ne se distinguent pas précisément par la perspi-