Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/513

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ciété au profit, des masses écrasées, ont une connexion très-étroite avec les idées du Nouveau Testament, bien que les auteurs de ces efforts croient, sous d’autres rapports, devoir lutter contre ce qu’aujourd’hui l’on se plaît à appeler christianisme. L’histoire nous fournit une preuve de cette connexion dans le mélange des idées religieuses et communistes opéré par l’extrême gauche des réformateurs du XVIe siècle. Malheureusement les formes les plus pures de ces efforts ne sont pas encore assez connues ni appréciées aujourd’hui ; et les caricatures isolées qui nous ont été transmises sous des couleurs grossières, ne reposent pas sur le fond des idées dominantes et générales de ce temps-là. Des hommes éminents du parti catholique ne purent eux-mêmes se soustraire à l’influence de ces idées. Thomas Morus écrivit son Utopie, ouvrage a tendance communiste, non-seulement par forme de plaisanterie, mais dans le but d’agir sur l’esprit de ses contemporains, ne fût-ce que par le tableau de situations littéralement impossibles. L’Utopie fut pour lui un moyen de répandre des idées que l’on n’aurait guère osé exposer sous une autre forme, et qui, en effet, devançaient de beaucoup son époque. Ainsi il plaida en faveur de la tolérance religieuse, dont le principe est aujourd’hui universellement reconnu. Son ami Louis Vivès, qui partageait ses idées, écrivit, il est vrai, avec modération, contre les violences communistes de la jacquerie (Bauernkrieg) allemande ; mais ce même homme fut un des premiers qui déclarèrent nettement que l’entretien des pauvres ne devait pas être abandonné aux hasards de l’aumône ; entre chrétiens, ajoutait-il, le devoir exigeait que, par des institutions régulières, la société civile prît soin des pauvres d’une manière suffisante et ininterrompue (11). Bientôt après on résolut, tout d’abord en Angleterre, d’établir une organisation civile de secours à donner aux pauvres, et précisément cette organisation qui, depuis la Révolution française, de même que le mariage civil, le baptême civil et autres institutions semblables, paraissait contraster avec les