Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/521

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tion ; la réforme fondant une époque dans l’histoire : tout cela n’est pour lui qu’un concours particulièrement efficace des facteurs de la sensibilité (Sinnlichkeit), de la passion et de l’erreur ou de la connaissance imparfaite ; nous, au contraire, nous nous rappellerons qu’ici, comme dans les choses extérieures, la valeur et l’essence de l’objet ne consistent pas dans le simple fait du concours de tels ou tels facteurs, mais dans le mode de leur concours, et ce mode — pour nous la chose la plus importante au point de vue pratique — n’est reconnaissable que dans l’ensemble proprement dit et non dans les facteurs abstraits. Ce qui détermina Aristote à donner la prééminence à la forme plutôt qu’à la matière et au tout plutôt qu’à ses parties, ce fut sa nature si profondément pratique, son sens moral, et si, dans les recherches exactes, nous le combattons sans cesse et si nous sommes toujours forcés d’expliquer — autant que nous le pouvons — le tout par ses parties, la forme par ses éléments matériels, nous savons cependant, depuis Kant, que toute la nécessité de ce processus n’est qu’un reflet de l’organisation de notre entendement construit pour l’analyse ; que ce processus se poursuit à l’infini, que jamais il n’atteindra entièrement le but, encore que, d’autre part, il ne doive jamais reculer devant un problème quelconque. Nous savons qu’il existe toujours la même contradiction entre la nature achevée et spéciale d’un tout et l’explication approximative de ce tout au moyen de ses parties. Nous savons que dans cette contradiction se reflète la nature de notre organisation, qui nous permet d’atteindre aux objets entiers, achevés, accomplis, par l’unique voie de la poésie ; partiellement, approximativement, mais avec une exactitude relative, par la voie de la connaissance. Tous les grands malentendus, toutes les erreurs de l’histoire universelle, ne proviennent-ils pas, à dire vrai, de ce qu’on a confondu ces deux modes de représentation, en faisant entrer en conflit les productions de la poésie, les cominandements d’une voix intérieure, les révélations