Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/523

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de l’association de la religion à l’art et à la métaphysique sera généralement adoptée dans un temps pas trop éloigné il nous semble même que ces relations sont reconnues ou du moins pressenties par les croyants les plus prononcés, dans une mesure beaucoup plus large qu’on ne l’admet ordinairement. La grande masse des sectateurs de toutes les religions est probablement encore dans des dispositions d’esprit pareilles à celles des enfants qui écoutent un conte de fées. Le sens viril complet de la réalité et de l’exactitude incontestable n’est pas précisément encore développé. C’est seulement quand il prédominera qu’on cessera de croire à ces récits, parce qu’on possédera un critérium différent pour connaître la vérité ; quant à l’amour de la poésie, tout membre de l’humanité lui restera fidèle à travers toutes les phases de la vie.

Les anciens voyaient dans le poëte un prophète enthousiaste, tout rempli de son sujet, entraîné et enlevé par l’esprit bien loin de la vulgaire réalité. Ce même ravissement par l’idée n’aurait-il pas, lui aussi, le droit d’exister dans la religion ? Et s’il y a des âmes plongées si profondément dans ces émotions que, pour elles, la vulgaire réalité des choses s’efface, comment pourront-elles désigner la vivacité, la continuité, l’activité des sensations qu’éprouve leur esprit, autrement que par le mot « vérité » ? Sans doute ce mot de vérité n’a qu’un sens imagé, mais c’est le sens d’une image plus estimée par les hommes que la réalité, dont toute la beauté n’a de prix que comme un reflet de cette image. À celui qui n’est chrétien que de nom, tu peux balayer hors de la tête, au moyen de la logique, les fariboles que l’enseignement du catéchisme aura laissées dans sa mémoire ; mais au croyant tu ne peux contester la valeur de sa vie intime. Tu aurais beau lui démontrer cent fois que tout ce qu’il éprouve n’est que sentiment subjectif ; il t’enverra au diable avec ton subjectif et ton objectif, et il se moquera de ta naïveté, à toi qui prétends renverser avec le souffle d’une bouche