Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/524

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mortelle les murs de Sion, dont il voit les créneaux élevés resplendir de la lumière de l’Agneau et de l’éternelle majesté de Dieu. La masse, pauvre de logique comme de foi, tient l’énergie d’une conviction prophétique pour un critérium du vrai ans si bien que la preuve d’une opération d’arithmétique, et comme d’ailleurs le langage appartient au peuple, ce sera pour nous une nécessité de tolérer dès maintenant et à titre provisoire le double emploi du mot « vérité. »

Mais ne venez pas me parler ici de « tenue de livre en partie double ! » Cette idée, doublement rejetable, porte d’abord un nom trompeur, inventé par un professeur qui vraisemblablement n’avait jamais vu de livre de commerce et qui en tout cas pensait à toute autre chose qu’à un tertium comparationis (triple collationnement) ; enfin, quant à la réalité, cette idée appartient entièrement à ce domaine crépusculaire des contes enfantins que nous décrivions il n’y a qu’un instant. Elle correspond au point de vue de gens qui, après avoir pris l’habitude d’une activité scientifique, en sont arrivés à pouvoir, dans les affaires de leur compétence, distinguer le vrai du faux avec méthode et conscience, mais qui ne savent pas encore transporter sur d’autres terrains le critérium infaillible du vrai et y acceptent provisoirement pour vrai ce qui agrée le mieux à leurs sentiments confus. Le philosophe peut laisser passer la deuxième signification du mot vérité, mais il ne doit jamais oublier qu’elle est prise dans le sens figuré. Il peut même conseiller de ne pas se laisser entraîner par un zèle aveugle contre les « vérités » de la religion, quand il est convaincu que leur contenu idéal a encore de la valeur pour notre peuple, et que cette valeur souffre plus par une attaque inconsidérée contre les formes que d’autre part le rationalisme ne procure d’avantages. Mais il ne peut aller plus loin, et jamais il ne devra permettre que des doctrines qui, par leur nature, varient avec le temps, soient enregistrées dans un livre quelconque,