Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/533

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cette théologie de la réforme cherche encore à résister aux flots du matérialisme envahissant, et nulle part plus qu’ici on n’a besoin de la poésie des idées, si l’on veut maintenir debout quelques dogmes. Lang lui-même, immédiatement après avoir dirigé une diatribe contre nous, déclare que ses besoins religieux lui font invoquer le nom paternel de Dieu. Mais son Dieu n’est que « la cause de tout ce qui existe, éternelle, accomplie en soi, exempte de toutes les vicissitudes du processus de l’univers. » Il ne fait pas de miracles, il n’a pas les sentiments humains, il ne se préoccupe point, en détail, du bonheur et du malheur de ses créatures ; il n’intervient nulle part dans le fonctionnement des lois de la nature ; son existence repose uniquement sur la nécessité d’avoir, par opposition au matérialisme, pour la simple totalité de ce qui existe encore, une cause spéciale de cette même totalité. Et voilà que, de cette cause de tout ce qui existe, on fait un « père ». Pourquoi cela ? C’est que notre âme ne peut s’empêcher de se représenter un être qui nous aime personnellement et qui étend vers nous son bras puissant, lorsque nous sommes dans la détresse. Peut-on désirer une plus forte preuve de l’élément poétique en religion ?

Homère ne conserva pas toujours son influence, mais il la reconquit lorsque-survint une génération qui sut l’apprécier, et les dieux de la Grèce revécurent avec lui. Lorsque Schiller disait de ce monde des dieux : « Ce qui doit vivre immortel dans la poésie doit d’abord vivre et mourir », il savait très-bien que c’est l’essentiel, que c’est là l’esprit, le cœur même de Ia théogonie grecque, ce par quoi elle agit sur nous comme elle a agi sur Socrate et Platon.